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Amsterdam, la ville aux deux visages

Published in L'Express de Toronto, April 2012

Amsterdam n'est pas une ville. C'est une femme. Belle, sulfureuse, insaisissable et insoumise. Partir é sa rencontre, c'est vouloir dé©couvrir sa personnalité© double qui fascine et trouble aux quatre coins du globe.

À mon arrivé©e, Amsterdam m'accueille avec son air canaille. Il est quatre heure de l'apré¨s-midi et elle est dé©jé ivre, aguichante. C'est qu'Amsterdam féªte les matches de football. Ses rues regorgent de bars bruyants et de fans é©gaillé©s, portant perruques oranges et véªtements extravagants (toujours orange, couleur emblé©matique de l'é©quipe nationale de football), complé¨tement saouls ou tré¨s excité©s. Amsterdam vit et palpite. Il est difficile de se frayer un chemin dans ses corsages pour faire un tour d'horizon. Canaux et bicyclettes, pourtant nombreux, disparaissent dans la cohorte chahuteuse des supporter de foot. Amsterdam festoie. Toutes les raisons sont bonnes et tant pis, si elle ne tient pas toujours son rang. L'important, c'est de vivre en grand. Est-ce pour mieux dissimuler son mal-éªtre grandissant avec la crise é©conomique europé©enne ou cela fait-il partie de sa personnalité©? Amsterdam reste insaisissable.

Joyeuse et manquant de tenue, je la tenais pour une ville populaire et sympathique, quand les nuages l'ont recouverte et que la pluie s'est mise é tomber. Pendant deux jours. J'ai alors observé© son visage fatigué© et grimaé§ant que trop de maquillage n'arrive pas é couvrir. Cela a commencé© par le « Red light District Ã‚», té´t le matin, sur mon trajet pour une visite vers le marché© aux fleurs. On a beau dire que les filles – et les hommes qui travaillent dans le « Blue Light District Ã‚» contigu au Red Light –  occupent une profession comme une autre et veulent éªtre considé©ré©s comme des travailleurs et non comme des curiosité©s, on ne leur trouve tout de méªme pas le sourire et l'avenant croisé©s dans bien d'autres mé©tiers. À 10h le matin, ce n'est pas par la gré¢ce et le plaisir qu'on attire le client derrié¨re sa vitre. Les mines lasses et souvent revéªches me questionnent sur le bien-éªtre de l'industrie du sexe aujourd'hui. Mais passons… La visite guidé©e de la ville, sous une pluie battante, met l'accent sur l'une des deux tours qui constituent la porte d'entré©e de la ville. « Die Waag Ã‚», qui apré¨s avoir servi de « balance Ã‚» pour les né©gociants  s'est transformé©e entre autre, nous dit notre guide, en salle d'expé©riences scientifiques. Parfois ouvertes au public. On ré©alisait sur des cadavres des expé©riences mé©dicales pour faire avancer la science. La place oé¹ se trouve cette tour, Nieuwmarkt, é©taient aussi la place oé¹ se tenaient les exé©cutions publiques. La rue qui serpente derrié¨re s'appelle « Blood Street Ã‚» en consé©quence. Les jours – nombreux – de pluie faisaient couler le sang dans la rue. La couleur du sang est resté©e dans le quartier qui s'est pré©nommé© Red light District.

En poursuivant notre visite dans le quartier, notoire pour ses excé¨s et sa vie nocturne, notre guide nous arréªte dans des « High café©s Ã‚» oé¹ l'on vend des gé¢teaux aux champignons et autres drogues douces. Une curiosité© touristique aussi sans doute. En poussant la porte, je ne trouve pourtant rien de l'encanaillement, ni de la complicité© dans « l'illicite autoris驠» auxquels je m'attendais. Lé oé¹ je voyais une certaine atmosphé¨re routarde et bon enfant, je ne trouve que quelques é¢mes perdues et dé©sabusé©es empéªtré©es dans une apathie triste. Étonnant. Plus loin dans la rue, la kyrielle de sex shops offre un pré©sentoir d'instruments davantage orienté©s vers la douleur que le plaisir… Une nouvelle tendance que vient confirmer la queue de touristes devant le musé©e de la torture?

Amsterdam, la morose, s'ingé©nie é me convaincre qu'elle fatigue et chancé¨le sous le poids de l'Histoire (une visite de la maison d'Anne Franck et de son musé©e – é©mouvant hommage é cette jeune fille qui vé©cut caché©e avec sa famille dans cette immeuble pendant deux ans pour é©chapper é la ré©pression nazie et qui nota tout ce qu'elle vivait dans son fameux journal –  n'est certes pas pour remonter le moral), face au dé©clin d'une joyeuse dé©bauche et devant le marasme é©conomique et politique dont parlent parfois les habitants sur un air dé©sabusé©. Je la regarde du haut de la terrasse de mon hé´tel, au-dessus de la gare centrale et m'attriste de la voir si lasse et froissé©e. Méªme un tour au Musé©e Van Gogh dans l'apré¨s-midi ne m'a pas ré©concilié©e avec sa lé©gendaire joie de vivre, tant l'attention du public é©tait davantage tendue vers la pé©nible maladie mentale du peintre que vers son Å“uvre.

Mais comme les vents changeant sur l'océ©an, Amsterdam fait volte face et m'accorde ce matin toutes ses faveurs. Entre deux averses, elle se pare de ses plus belles lumié¨res. Celles qui ont fait sa notorié©té© et qui font se bousculer les visiteurs du monde devant les portes du musé©e Rijke pour mieux pouvoir les admirer. Ses faé§ades uniques et reconnaissables entre mille, rivalisent dans les couleurs et les moulures pour la parer de mille feux. Feux qui se reflé¨tent dans le miroir des eaux du canal. Romantique, la capitale invite é la balade et se fait complice des amants assis sur ce banc ou qui se serrent sur le pont. Romantique, Amsterdam n'en n'est pas moins dynamique. En té©moignent ses centaines de milliers de bicyclettes qui partent é l'attaque des rues et des avenues et qui n'en finissent pas de nous é©tourdir avec leur ballet fré©né©tique. Des bicyclettes coloré©es, dé©coré©es, personnalisé©es. Nulle part ailleurs, le vé©lo n'est si emblé©matique. La vie grouille é Amsterdam. On s'emploie é fleurir sa pé©niche, son parc, son balcon et une ronde incessante de fleurs et de couleurs tourbillonne dans la ville. Amsterdam est coquette. Elle veut plaire et sentir bon. Elle ne recule devant aucun sacrifice pour y arriver. À cet é©gard, une promenade le long des canaux et des boutiques du marché© aux fleurs sur le Singel est un vrai ré©gal. Exit l'aspect morose et morbide de la ville. Ici, les gens rient et discutent, partagent un morceau de fromage et font leurs emplettes pour dé©corer leur chez eux. Un é©ventail de couleurs que l'on retrouve dans certaines boutiques du centre ville, comme le Red Shop, sur Warmoestraat, qui ne propose que des objets et véªtements rouges. Les amateurs de sport quant é eux ne se géªnent pas pour parer leurs devantures d'orange de manié¨re quasi systé©matique. Ce méªme orange que l'on retrouve dans les fromageries, lé oé¹ le gouda offre é la lumié¨re chaude des ampoules du magasin sa croute blonde ou rousse.

Amsterdam la conviviale, invite é dé©couvrir sa cuisine dans des restaurants populaires ou plus hauts de gammes qui ont pris d'assaut d'anciens entrepé´ts sur les bords de mer. Crustacé©s, pommes de terre, pain brun, sauces é la bié¨re, toute un bouquet de saveur se dé©cline en fonction du lieu et du chef cuisinier. 
On peut aussi cré©er des liens autour d'une bié¨re ou d'un café© et ressasser les lé©gendes qui font la cé©lé©brité© d'un endroit. Une manié¨re comme une autre de dé©couvrir Amsterdam et d'appré©cier son cé´té© familier. J'en ai retenu un, parce que je le trouve sympathique et original. Surnommé© le « Monkey Bar Ã‚», ce café© doit sa notorié©té© aux singes qui ont servi de monnaie aux marins venus é©cluser leurs bié¨res lors d'escales. Ils rapportaient de leurs contré©es lointaines de quoi payer leurs ardoises. En l'occurrence, des singes. Vite devenus trop nombreux, ils ont é©té© dé©mé©nagé©s chez une particulié¨re qui donna naissance au zoo de la ville. Restent dans ce bar, des gravures de singes et un singe empaillé©, qui rappelle l'atmosphé¨re bon vivant d'antan. Aujourd'hui, plus feutré©, l'endroit reste fort accueillant et sympathique.

Amsterdam… il est bien difficile de la saisir et de l'appré©cier pleinement. Il faudrait du temps. Ne pas se cantonner aux incontournables visites suggé©ré©es dans les guides, mais aussi l'apprivoiser par le cÅ“ur, par ses gens, sa lumié¨re et ses canaux. Vous l'aurez compris, Amsterdam ne se visite pas, Amsterdam s'apprivoise. Et lorsqu'on commence é s'é©prendre d'elle, il est alors difficile de s'en passer.

Quelques bonnes adresses
Monkey Bar, rue Warmoestraat
Café© Restaurant Stork, Gedempt Hamerkanaal t.o. 96
Restaurant Fifteen, Jollemanhof 9 1019 GW
Restaurant d'Vijff Vlieghen, Spuistraat 294-302

Pour ceux qui aiment le vé©lo
On peut louer une bicyclette é peu pré¨s partout en ville. Des loueurs é la Gare Centrale, certains hé´tels louent é©galement des bicyclettes.